Nous vivons en ce moment une affection virale qui touche le monde entier. Nous sommes face à un virus, issu d’une mutation génétique dans la famille des coronavirus, dont on ne connaît pas la gravité, mais qui suit le parcours de tout virus : transcription – replication – diffusion, ou, en d’autres termes : copier-coller – impressions multiples – envois tous azimuts. Ce processus est connu de tous les virologues. En quelques semaines, ils ont décrypté le génome de ce virus, ouvrant la porte à l’espoir de création d’un vaccin. La diffusion, elle, est essentiellement le fait de l’homme, favorisée par la mondialisation, les transports intercontinentaux, mais aussi par un manque d’anticipation face à une virose qu’on ne connaissait pas jusque là, mais dont on pressentait cependant la gravité.
Ce n’est pas la première épidémie dans le monde. Est-elle la plus grave ? Il est trop tôt pour répondre. On sait que plus de 80% des cas sont bénins. La mortalité est difficilement appréciable. Elle semble particulièrement élevée là où l’on n’a testé que les cas graves (8,5% en Lombardie). Elle semble moindre là où l’on a testé tous les patients (moins de 1% en Corée du sud). Le nombre des morts augmente avec la diffusion du virus. Il ne peut être limité que si chacun prend conscience de sa responsabilité vis-à-vis de tous, tant par les « gestes barrière » que par un éloignement interpersonnel. Accepter cela, c’est aussi manifester amour et compassion pour nos frères. Il peut aussi s’aggraver en fonction de l’état dégradé des structures de santé, comme cela est depuis longtemps dénoncé. On sait que les plus exposées sont les personnes âgées, fragiles, déjà atteintes dans leur santé, mais aussi des plus jeunes, surtout si leur immunité est altérée.
Comme médecin, j’ai conscience de la gravité potentielle de cette crise. Mais, comme orthodoxe, je n’arrive pas à comprendre qu’on puisse la rapporter à un « châtiment » divin, à une « colère menaçante qui nous fait périr », à un « fléau qui nous frappe inutilement »… Où serait la justice d’un Dieu Qui, à cause de nos péchés, ferait périr avant tout les plus fragiles ? Nous confessons que Dieu est Amour. Saint Isaac le Syrien affirme que, « s’il y a l’Amour, il n’y a pas rétribution ; s’il y a rétribution, il n’y a pas l’Amour ». On ne peut être plus clair. Si nous confessons que Dieu est plénitude de miséricorde, comment peut-on alors parler de « châtiment » ? Si nous croyons que cette crise est un « châtiment », comment pourrons-nous alors proclamer bientôt avec Saint Jean Chrysostome : « Que personne ne se lamente de ses fautes, car le pardon s’est levé du tombeau » ?
« Dieu n’a pas envoyé Son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui ».
Nous ne pouvons pas concevoir la « justice » divine comme la justice humaine, de nature pénale. Quelle est la nature de la Justice de Dieu ? Saint Isaac donne la réponse : « C’est nous qui avons péché, mais c’est Son Fils Unique Qui meurt sur la croix ». Il rachète sur la croix les péchés dont Il S’était chargé en Se plongeant dans le Jourdain. Cela éclaire Sa réponse à Saint Jean Baptiste : « C’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice. » Voilà la Justice de Dieu. Elle est bien loin de tout châtiment !
On sait que la maladie et la mort sont liées à la faute ancestrale. Le livre de la Sagesse rappelle que « Dieu, Lui, n’a pas fait la mort… car Il a créé tous les êtres pour qu’ils subsistent… mais par la jalousie du diable, la mort est entrée dans le monde. » Et la prière eucharistique de la divine liturgie de Saint Basile précise : « Lorsque, par l’homme, le péché fut entré dans le monde, et par le péché, la mort… » Le péché, c’est celui de chacun de nous. La maladie et la mort n’en sont pas le « châtiment », mais la conséquence.
Que cette crise, survenant pendant le grand carême, nous aide à un authentique repentir ; que ce confinement nous permette d’être moins dans le monde et plus dans la prière, sur le chemin qui, au-delà de toute pandémie, nous mène à la Résurrection du Christ.
A Lui la gloire dans les siècles des siècles. Amen.
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