Ecologie & Vie Chrétienne

A l’approche du 1er septembre 2021, Journée Mondiale de la sauvegarde de la Création, nous ne pouvons que nous interroger en tant que chrétiens : comment prenons-nous soin de ce que le Seigneur nous a confiés ? Mais au-delà des gestes écologiques nécessaires, c’est avant tout notre attitude intérieure que nous devons transformer. C’est le sens de l’intervention de Mère Hypandia, higoumène du Monastère de la protection de la Mère de Dieu, à Solan, en juin dernier lors d’un colloque organisé par le Vicariat Ste Marie de Paris – Saint Alexis d’Ugine. Le soutien spirituel de ce Monastère ainsi que celui de Saint Silouane nous donne force et détermination pour mettre en œuvre les objectifs de notre Association.


« Eminences, bénissez, Révérends Pères, chers frères et sœurs en Christ, le Christ est ressuscité !

…A la suite de l’introduction de ce soir, nous devons tout d’abord rendre hommage à notre Patriarche Œcuménique Sa Sainteté Bartholomaios, qui, avec son prédécesseur Sa Sainteté le Patriarche Dimitrios, a eu un rôle pionnier pour alerter le monde sur l’urgence du problème écologique, en appelant d’abord à la prière, et, joignant l’action à la supplication, en organisant des colloques scientifiques sur fleuves et mers, pendant plusieurs années.

Cela a été une grande source d’inspiration pour nous, c’est venu nous rejoindre dans ce que nous vivions nous-mêmes au monastère.
Quand nous sommes arrivées dans le Gard, en 1992, la tâche de remise en état de ce domaine agricole en faillite était immense. La Providence est venue à notre secours, de multiples manières. Nous avons rencontré plusieurs personnes qui nous ont grandement aidées, et c’est ainsi qu’a été fondée l’Association Les Amis de Solan, présidée par Monsieur Pierre Rabhi, très connu en France.

C’est dans le cadre de notre Association que, inspirées par l’exemple de notre Patriarcat, nous organisons chaque année une journée de prières et d’échanges pour la Sauvegarde de la Création. La première fois, c’était en 1995 ; le célébrant et conférencier principal n’était autre que notre cher Monseigneur Stéphane, que nous venons d’entendre. Depuis lors, chaque année (sauf en 2020 !), cette journée a lieu le dimanche le plus proche du 1er septembre : le matin nous célébrons l’office composé à la demande du Patriarcat et la Divine Liturgie. L’après-midi, une série de conférences sur des thématiques relatives à l’écologie sont abordées sous différentes facettes : chrétienne, scientifique, philosophique. Nous accueillons en général autour de 200 participants. 

Quels sont les thèmes de ces journées ? Au début, c’était relativement simple : on abordait des sujets ayant trait à la protection de l’environnement. Les premières années, nous avons parlé d’aspects techniques de l’agriculture biologique ; en 1998, de la biodiversité – à une époque où on n’entendait jamais parler de cela ! ; en 2000, c’était la gestion de l’eau, en 2001, le rapport de l’homme aux animaux, … mais peu à peu, nous avons « basculé » de la nature à proprement parler vers les humains. C’est ainsi que à partir de 2004, nous avons centré les propos des conférences sur les dispositions intérieures de l’homme plutôt que sur des thèmes environnementaux à un premier degré. Le sujet était alors : « Sobriété et décroissance, valeurs de bien être ».
En effet, la vraie écologie n’est pas celle qui consiste en une liste de choses à faire : manger bio, consommer moins d’énergie, isoler les bâtiments… tout cela est très bien, mais ne suffit pas. La vraie écologie englobe tous les aspects de la vie, dans une attitude juste, solidaire, d’entraide, d’humilité, de persévérance. Cette énumération ne rappelle-t-elle pas les bases de la vie spirituelle, l’acquisition des dons de l’Esprit selon saint Paul, et le combat spirituel contre nos mauvaises pensées et tendances ? A son tour, la compréhension des écosystèmes, de l’imbrication entre les diverses strates du vivant et leurs interdépendances indispensables à leur survie, n’est-elle pas un reflet, dans un autre ordre, de cette réalité si présente à l’esprit des Pères : que toute l’humanité et toute la création participe aux conséquences de la chute d’Adam ? et que donc nos manquements ont forcément un retentissement sur les autres, et sur la création tout entière ?
Dès la 10ème année et jusqu’à aujourd’hui, les thèmes développés ont tous été choisis dans le but de donner des pistes de réflexion sur notre attitude à l’égard des biens de la terre que Dieu nous a confiée ou des circonstances de notre vie.

Nous avons traité de la question du temps, des risques et des assurances, de l’émerveillement, du rapport de l’homme à la technologie, des cadences de la vie, de la fragilité, du respect du vivant, de la compétition, du bon usage de l’argent, de la gestion des conflits… Puis, en 2019, il y eut un sujet très sensible… sous le titre : Un écran entre la vie et moi, quel rapport au monde ?, nous avons réfléchi à l’invasion des nouvelles technologies dans notre vie. (Il n’empêche, aujourd’hui nous sommes heureux de les utiliser à bon escient, pour nous rassembler, fût-ce virtuellement).

En 2020, la crise sanitaire nous a empêchées d’organiser ce rassemblement. Mais en 2021, le 22/08 si le Seigneur le permet, nous comptons bien organiser cette journée, sur le thème : Cultiver l’espérance : De la crise aux alternatives.
Il est intéressant de voir dans l’Evangile que la parole du Christ s’inspire constamment d’exemples tirés de la vie agraire ; quant à notre vie liturgique, elle est émaillée de références à l’amour du Créateur et de la création qu’il nous offre.

C’est extraordinaire de voir comment notre journée liturgique commence le soir, aux Vêpres, avec la lecture du psaume 103 qui nous introduit à la louange de la Sagesse divine par la contemplation de la création qui est Son œuvre.
Notre année liturgique commence le 1er septembre, qui est le début du cycle agricole : après avoir travaillé le sol, on enfonce sous terre les semences des céréales, qui y passeront tout l’hiver, pour ensuite surgir au printemps en même temps que nous fêtons la Résurrection du Christ. Et au cœur de l’hiver, quelle merveille que la prière de la Grande Bénédiction des Eaux de la Théophanie… ! La liste est longue et nous pourrions la rallonger encore indéfiniment. Ce que nous voudrions dire, en fin de compte, est que nous avons TOUT dans notre Eglise, pour relever les défis écologiques d’aujourd’hui. Elle nous y prédispose admirablement. L’Eglise nous invite à vivre, non pas dans des idéologies utopiques ni dans une agitation angoissée et angoissante – qui risquerait de nous épuiser rapidement -, mais dans la joie de l’espérance, qui sont le fruit de l’ascèse, de l’effort, du sacrifice et du renoncement à soi. Voilà quel est son enseignement sur la vie en général, et combien plus sur ces enjeux environnementaux. Car la théologie orthodoxe est très riche quant à la compréhension de l’aspect cosmique du salut.
Et pour conclure, voici quelle est la vraie question que nous nous posons, et que nous adressons à nos pasteurs ici présents et nos frères et sœurs : comment sensibiliser nos fidèles à ces réalités remarquables ? Comment mettre en lumière ces véritables ponts qui existent entre l’écologie prônée par la société d’aujourd’hui et la pédagogie de la théologie de notre Eglise ?
Je vous remercie. Le Christ est ressuscité ! »


[ Mère Hypandia, higoumène du Monastère de la Protection de la Mère de Dieu à Solan ]